Si l’impact de la chasse sur les animaux sauvages est le type de dérangement le plus important en terme de niveau de stress, toute autre activité humaine au sein de leur habitat est une intrusion susceptible d’engendrer un dérangement pour eux.
C’est ce que révèle l’étude franco-belge Mesure par télémétrie de l’impact du dérangement humain sur le cerf (Cervus elaphus L.) en parcours libre (fichier à télécharger) réalisée par Alain LICOPPE, Julien LIEVENS, Hélène VERHEYDEN.
Ces incidences négatives sont liées aux activités touristiques ou d’exploitation. Donc randonneurs et skieurs en montagne ou promeneurs en forêt, nous sommes chez eux et sommes donc susceptibles de les déranger !
Le dérangement humain est une composante essentielle de l’éco-éthologie de la faune sauvage et du cerf en particulier. Cette composante est devenue tellement incontournable qu’elle est progressivement intégrée à des plans de gestion ou des projets d’aménagement forestier dans lesquels le cerf est impliqué.
Le dérangement se traduit par un changement du comportement des animaux par rapport à leurs patrons d’activité observés en dehors de toute influence humaine. Il est induit par toute présence, objet ou son issus de l’activité humaine. Le dérangement humain, au même titre que la prédation, est susceptible d’affecter le compromis énergétique, réalisé par l’animal, entre la diminution du risque de perturbation (ou prédation) et l’augmentation de ses activités d’alimentation ou de reproduction. Cette notion est particulièrement abstraite : le dérangement peut être qualifié par un stress physiologique, ou par une modification comportementale immédiate suite à une perturbation d’origine humaine et avoir des conséquences à plus long terme. Par exemple un dérangement peut induire une augmentation du rythme cardiaque et la fuite de l’animal. Les conséquences à plus long terme pourront se traduire par une perte de poids ou un changement d’habitat,…
Chez le cerf, les réactions comportementales provoquées par un stress anormal sont la fuite, la perte de sa harde, l’écorçage, etc. Et les réactions physiologiques peuvent être la perte de poids, la baisse de fertilité ou la myopathie.
Ces conséquences seront d’autant plus graves que les milieux sont pauvres ou que les conditions hivernales sont rigoureuses.
D’après l’étude, il apparaît que le dérangement occasionné par des promeneurs hors chemin causent un stress nettement plus important que celui occasionné par des promeneurs sur chemin.
De même, les animaux s’éloignent des chemins durant la journée pour éviter le contact avec les humains.
L’éloignement par rapport aux chemins forestiers que l’on constate démontre de la prudence dont font preuve les animaux pendant la journée pour éviter tout risque de contact.
Il est donc important de rester sur les chemins et surtout, discrets.
Les activités de chasse restent néanmoins les plus traumatisantes avec des fuites vers des zones où la chasse n’est pas pratiquée (zone de quiétude) et un impact sur les congénères de toute la harde.
Voici l’exemple de la biche Fifine en Belgique en forêt de St-Michel – Freyr :
Le 9 octobre 2003, le tir du faon de la biche « Fifine » provoque un déplacement presque instantané de celle-ci à 6 km de distance. Au sein de sa zone refuge, sur le plateau de St Hubert, elle reste ancrée dans quelques hectares de fourrés d’épicéas jusqu’au 21 octobre, date à laquelle elle est prise dans une traque silencieuse. Même cet événement dans laquelle elle est très impliquée – puisque aperçue par plusieurs chasseurs en cours de traque – ne lui fera pas quitter sa zone refuge. Le premier retour dans le secteur où son faon a été prélevé se passe le 1/11 : une seule nuit. Son retour définitif a lieu le 25/11 après une nouvelle battue dans sa zone refuge.
De même, certains animaux sont devenus nocturnes pour ne pas croiser le chemin des humains.
C’est ce que révèle cette autre étude publiée dans la revue Science, basée sur 76 études précédentes menées sur tous les continents et sur 62 espèces de mammifères (tigres, cerfs, renards, sangliers, coyotes, etc.)
Les résultats sont identiques quel que soit le continent, l’habitat ou l’espèce : lorsqu’ils ne peuvent éviter la présence humaine, les animaux choisissent de ne sortir que quand les Hommes dorment !
Par exemple, un animal qui partage ses activités de manière égale entre le jour et la nuit va augmenter sa proportion d’activités nocturnes à 68% de son activité totale à proximité de perturbations anthropiques.
Si certains animaux arrivent à s’adapter à cette nouvelle vie nocturne, d’autres sont incapables de s’adapter si rapidement à notre mode de vie : chasse, agriculture, expansion routière, loisir… Nous voulons nier les millions d’années d’adaptation nécessaires aux activités animales pour les activer à vivre de nuit et s’imaginer que tout va fonctionner parfaitement, avec une nature prospère et des animaux épanouis.