Une grande souffrance pour l’animal

La souffrance endurée révélée par des études scientifiques

Mordu par les chiens, blessé par les collisions lors de sa fuite, soumis au stress, épuisé par la course interminable qui lui est imposée, l’animal est alors dévoré vivant avant d’être achevé par le piqueux au couteau, au fusil ou à l’épieu. A moins qu’il ne soit noyé…
Toutes les études attestent de la souffrance endurée par les animaux lors d’une chasse à courre.

Biche gravement blessée, morte dans les bras de militants AVA Rambouillet. La biche n'est pourtant pas l'animal créancé par le Rallye Bonnelles. © AVA

Que dit la science ?

• Une étude réalisée par le Professor Patrick Bateson et Elizabeth L Bradshaw de l’Université de Cambridge, en 1997 – The Behavioural and Physiological Effects of Culling Red Deer et relayée par la prestigieuse revue scientifique Nature révèle des preuves évidentes de stress physiologique et psychologique, ainsi qu’une souffrance aggravée de l’animal au cours de la poursuite.

Bateson et Bradshaw ont étudié 64 cerfs élaphes qui ont été chassés avec des chiens. Les échantillons de sang et de muscle prélevés immédiatement après la mort ont été comparés à des échantillons similaires de 50 cerfs non chassés à courre mais abattus au fusil.

L’étude révèle que les effets d’une poursuite prolongée sur les cerfs élaphes sont sévères : rupture considérable du tissu musculaire, épuisement des réserves de glycogène, niveau maximal de cortisol (révélateur du niveau de stress), chute des globules rouges, infiltration d’enzymes musculaires dans le sang pendant plusieurs heures avec une concentration qui continue d’augmenter même chez les animaux qui n’ont pas été tués, risque de myopathie de capture, etc.

Elle indique également que “tous les cerfs chassés ont montré une augmentation de la glycémie plasmatique, suivie d’une chute sous les niveaux minimum lorsque les glucides stockés étaient épuisés. Des prélèvements musculaires ont également révélé l’étendue de l’épuisement des glucides : les niveaux d’acidité diminuaient au fur et à mesure que la chasse durait, montrant que le glycogène (qui après la mort est converti en acide lactique) avait diminué de la même manière. En effet, dans les muscles des jambes, des niveaux asymptotiques d’alcalinité étaient atteints dans toute chasse qui durait plus de trois heures.”

• Une thèse intitulée “Étude des variations de la biochimie du chevreuil” réalisée en 2014 par le Dr. Solyane KIENTZ et présentée au Campus Vétérinaire de Lyon, révèle également que les cervidés sont très sujets au stress.

Elle indique que “La myopathie de capture est une maladie métabolique non infectieuse affectant des animaux sauvages ou domestiques, pouvant être mortelle et causée généralement par la poursuite, la capture, la contention ou le transport de ces animaux. Elle se caractérise par une acidose métabolique, une nécrose musculaire et une myoglobinurie, ainsi qu’une insuffisance rénale aiguë par nécrose tubulaire et parfois une nécrose du muscle cardiaque. Ces lésions font suite à un stress et un effort physique intenses. Les signes cliniques incluent une raideur et une douleur musculaire, une ataxie, parésie ou encore paralysie, un torticolis, une prostration. La mort peut survenir dans les minutes, les heures, les jours ou les semaines suivant la capture.

Veneurs satisfaits de leur prise : daguet ci-contre. © AVA
Daguet (jeune cerf de moins de 2 ans) mortellement mordu par les chiens. ©AVA

• Selon David Morton, directeur du département d’éthique biomédicale à l’Université Birmingham, les animaux traqués souffrent sur les plans physique et psychologique, surtout lorsqu’ils sont dans l’impossibilité d’échapper à la menace ; les animaux chassés […] souffrent de frayeur, surtout lorsqu’ils sont dans l’impossibilité d’échapper à la menace, comme c’est le cas du cerf aux abois ou du renard piégé dans un terrier. Vers la fin de la partie de chasse, lorsque le cerf, le renard ou le lièvre se rend compte que la meute se rapproche et qu’il ne pourra pas lui échapper, puis lorsque le cerf est cerné et attaqué par les chiens, il est on ne peut plus vraisemblable que la douleur se mêle à la terreur.”

Tous ces auteurs affirment que les animaux souffrent et que ceux qui échappent à la chasse, risquent de mourir jusqu’à plusieurs semaines après la traque.

Faon (bébé chevreuil) traqué et dévoré par les chiens à Pont-Saint-Vincent (Meurthe-et-Moselle), sur un terrain privé - © DR-Lorraine actu

Le fait qu’être poursuivi par des chiens cause du stress n’est pas surprenant.  En revanche, ces données révèlent à quel point les cervidés ne sont pas adaptés physiologiquement à la prédation par une poursuite soutenue.

En outre, dans certaines forêts les cerfs se faisant de plus en plus rares, ce sont souvent des daguets (jeunes cerfs) de moins de 2 ans qui sont « servis » (= tués). Ils sont peu aguerris aux ruses, encore très attachés à leur harde et  leur zone de déplacement est encore réduite ; ce sont des proies faciles.

Si les cerfs doivent être (en théorie) abattus par le piqueux avant d’être donnés aux chiens, les sangliers, chevreuils, renards et lièvres sont dévorés vivants.

Cerf réfugié sur un chantier à Compiègne © Pierrig Guennec - La Voix du Nord

Que disent les veneurs ?

Selon les veneurs, les animaux ne souffrent pas, ils sont simplement fatigués comme un coureur le serait après un marathon ou une course à pied. Et ils ne se voient pas mourir car la mort est une notion conceptuelle propre à l’homme, absente de l’imaginaire des autres animaux.

Commentaire d’un veneur sur Twitter comparant l’agonie d’un animal traqué à la fatigue d’un coureur ayant participé à une course à pied.

S’ils disent « assumer » la mort dans une société qui la fuirait, ils nient la notion de souffrance qui est totalement absente de leur propagande. L’unique victime est le veneur qui souffre des attaques de ses opposants.

Quant à leur reconnaissance des données scientifiques, voici ce que l’on peut lire dans le Livre Blanc de la Vénerie : “La biologie, au fil des années, n’a cessé de raccourcir la distance entre l’homme et l’animal, les travaux les plus récents sur le génome humain et celui des grands singes, étant les plus exploités. Dès lors le rapport à l’animal se transforme en relation d’être sensé à être sensible, avec ce que cela implique de devoirs pour le premier. La perception initiale de l’animal source d’alimentation ou outil de travail, telle que décrite dans l’Ancien Testament, s’est dévoyée autour d’un anthropomorphisme culpabilisant. Il s’agit maintenant de cohabiter avec des êtres semblables, respectables, dépendants et qui attendent de nous protection et bien-être. Le cinéma de Walt Disney a pendant des années agi comme un formidable accélérateur. Il n’y a plus de souris, il y a Mickey, il n’y a plus de faons mais Bambi, il n’y a plus de porcelets mais des bébés cochons et ainsi de suite.”

Face à ce très grand écart historique plus que douteux entre l’Ancien Testament et Walt Disney, il est bon de rappeler que déjà à l’époque où fut écrit l’Ancien Testament (estimée entre le VIIIe et IIe siècle avant JC) des philosophes grecs tels que Pythagore ou Socrate remettaient déjà en cause cette « perception initiale de l’animal comme source d’alimentation ou outil de travail », défendant ce que l’on nomme aujourd’hui la cause animale.
Plus tard, Plutarque, Léonard de Vinci, Rousseau, Voltaire, Schopenhauer et de nombreux autres n’ont pas non plus attendu la biologie et encore moins Walt Disney pour s’en soucier. Bref, ce débat n’est pas nouveau : il a lieu depuis plus de 2500 ans !

Les défenseurs de la chasse à courre font entendre leurs arguments habituels. C’est tout juste s’ils n’affirment pas que le cerf est heureux d’être chassé… Aucun d’eux n’a jamais fait l’effort de se mettre en imagination à la place de la bête.

René Barjavel

A l’aune des connaissances scientifiques qu’il n’est pas raisonnable de nier au vingt-et-unième siècle et qui attestent de la souffrance endurée par les animaux, pratiquer la chasse à courre aujourd’hui ne peut relever que d’un acte délibéré de faire souffrir.
Il est indéniable que le fait de faire souffrir sciemment est immoral. Une société qui tolère la vénerie ne peut donc honnêtement se prétendre civilisée.

Partager